Protection juridique des majeurs et maltraitances : un rapport attendu !

5 ans après son rapport de mission interministérielle sur l’évolution de la protection juridique des majeurs, Anne Caron-Déglise, Avocate générale à la Cour de cassation, a rendu un rapport, dans le cadre des états généraux des maltraitances, qui s’intitule

« Penser les protections juridique et sociale à partir des Droitsce que vous pouvez faire des personnes les plus vulnérables à être entendues et soutenues dans une société solidaire »

Un titre évocateur sur la volonté d’une transversalité entre protection sociale et juridique.

 

<strong>Protection juridique des majeurs et maltraitances : un rapport attendu</strong> !

Un temps de travail contraint puisque la lettre de mission des ministres des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées a été signée le 21 avril 2023.

Si ce travail s’inscrit dans le cadre des états généraux de la maltraitance, sa commande est plus large puisqu’il a été demandé à l’auteure et au groupe de travail de

« faire toutes propositions utiles sur les améliorations » (p.4)

relatives à l’évaluation-appréciation de l’altération des facultés, la participation de la sphère familiale, proches, professionnels ou bénévoles pour soutenir les personnes vulnérables et sur la prévention, la traitement de la maltraitance et la place des mandataires judiciaire à la protection judiciaire (MJPM) dans ce domaine.

Dans sa synthèse, l’auteure évoque que, pour favoriser l’effectivité des Droitsce que vous pouvez faire des personnes vulnérables, deux éléments sont nécessaires :

  • des outils partagés et évolutifs pour non plus seulement évaluer les déficits mais bien pour évaluer les capacités et les possibles soutiens à envisager
  • des référentiels communs afin de favoriser une meilleure articulation des compétences entre acteurs du social, médico-social et MJPM.

Ce rapport évoque 35 propositions, découpées en plusieurs axes (p. 11) : 

La protection sociale et la protection juridique des majeurs : un socle partagé d’appui de la prévention et de la lutte contre les maltraitances
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Le rapport évoque notamment le manque de coordination des acteurs et de complémentarité entrainant des « dysfonctionnements parfois graves et favorise un nombre certain d’abus » (p. 16).

o   Partager un prisme d’action commun et complémentaire des principes et des outils concrets

L’auteur rapproche la protection sociale et la protection juridique par des principes fondamentaux communs que sont les Droitsce que vous pouvez faire à la protection de la santé et au respect de la dignité. Ces principes constituent, selon l’auteure, un « socle partagé d’appui de la prévention et de la lutte effective contre les maltraitances de tous ordres » (p. 18). Ce socle partagé s’appui sur des outils – l’information, l’accompagnement, la participation des personnes. Ces outils permettraient de pallier les difficultés de complémentarité entre protection sociale et protection juridique.

o   Mobiliser les acteurs ensemble dans une logique de parcours décloisonné

Il est nécessaire de favoriser les coopérations des acteurs de la protection juridique des majeurs avec les autres acteurs, entourant le parcours de la personne dans un objectif de continuité. L’auteure ajoute que la complémentarité et la bonne articulation des diverses interventions sont « des clés de la bientraitance » (p. 21). Le rapport évoque aussi la nécessité de laisser une place au juge, et sur les risques importants de réduire les contrôles dans la protection, et notamment dans la prévention des maltraitances. Dans ce contexte, en ce qui concerne les MJPM, le rapport demande à ce que soit « consolider le métier de Mandatairepersonne qui va vous accompagner pendant la mesure de protection. On l’appelle aussi le curateur ou le tuteur. judiciaire à la protection des majeurs en identifiant clairement sa place dans le dispositif global, son rôle, son statut, le contenu de son mandat et ses obligations » (p. 23).

L’évaluation des « capacités-capabilities », quels enjeux et quels objectifs ?
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o   Une terminologie de l’incapacité juridiquement définie mais clivant l’évaluation

L’auteure rappelle la tendance qui est de s’orienter vers la coopération entre le médical et d’autres disciplines pour les évaluations. Considérant que les outils et les méthodes d’évaluation sont très différents en fonction des dispositifs de protection, le rapport évoque le défaut de formation des acteurs des évaluations. Les membres du groupe de travail ont insisté sur la nécessité de faire évoluer cette évaluation pour qu’elle soit pluridisciplinaire et multidimensionnelle. Parmi les acteurs de l’évaluation, le rapport évoque l’importance de l’environnement familial, des aidants, des professionnels et des bénévoles autour de la personne.

Le rapport évoque aussi que les dispositifs et mesures, alternatives (personne de confiance, directives anticipées, le mandat de protection future) doivent être repensés au prisme de ce qui existe en droit québécois. La nécessité de sécuriser ces dispositifs est aussi indispensable, notamment par le biais d’ « un registre ou répertoire civil unique, national dématérialisé assurant sa publicité et celle de toutes les mesures de protection » (p. 28).

o   Les difficultés de l’actuelle évaluation en protection juridique des majeurs

Des difficultés quant à l’évaluation médicale sont relevées. Parmi elles, une qualité des certificats très hétérogènes, les disparités régionales quant à la présence des médecins inscrits, une évaluation éloignée de l’environnement du quotidien de la personne. Ainsi, le groupe de travail demande une évolution de cette évaluation avec une prise en compte des évaluations précédents et de l’accompagnement social et médico-social.

La prévention et la lutte contre la maltraitance dans la protection juridique des majeurs : une approche globale s’appuyant sur des constats
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o   Une approche globale à construire d’urgence

Le rapport évoque la nécessaire mise en place d’une « politique publique transversale » (p. 32). Il traite de la notion de maltraitance qui a été retenue et qui est complexe tant, sur les difficultés à cerner la catégorie des plus vulnérables que sur la définition large de la maltraitance.

o   La question spécifique des maltraitances financières et de la gestion de l’argent

 Le rôle des banques, dans le repérage des maltraitances financières, doit être « précisé et mieux encadré en posant des obligations claires ». L’auteure relève plusieurs difficultés en ce qui concerne l’action des établissements bancaires. Le rapport face à ses difficultés, fait un nombre de propositions importantes dans ce domaine.

o   Des exemples de difficultés concrètes de la vie quotidienne des personnes protégées

Le groupe de travail évoque une difficulté importante dans le quotidien des majeurs qui est la dématérialisation des actes et démarches auprès du service public. Pour y faire face, il est fondamental de construire des logiciels en ligne qui soient adaptés aux divers acteurs de la protection, dont les personnes sous protection juridique.

Les pistes à explorer dans le cadre de la construction d’une stratégie de prévention et de lutte contre la maltraitance
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o   Penser ensemble la protection sociale et la protection juridique à partir de la double reconnaissance d’une présomption de capacité de toute personne à s’autodéterminer et du devoir de soutien des solidarités familiales et publiques

La reconnaissance des MJPM dans leurs spécificités est nécessaire. Leur complémentarité aux acteurs de l’action sociale et médico-sociale doit être travaillée. En ce sens, un partage de données doit être mise en œuvre pour cela une réflexion doit être engagée sur « les contours du secret professionnel » (p. 45).

Les MJPM, selon ce rapport, sont des acteurs essentiels des signalements considérés comme des « relais obligatoires » (p. 46).

Les familles doivent aussi être soutenues par le biais de formations, d’offres de répit, et de favoriser un soutien par le service d’information et de soutien aux tuteurs familiaux (SISTF) (p. 46). Ce SISTF doit aussi voir ses moyens renforcés, notamment dans le cadre de l’habilitation familiale.

Le rapport évoque aussi le possible recours à la médiation familiale en cas de situation complexes, conflictuelles…

o   Repenser l’appréciation de l’altération des facultés en s’inscrivant dans une démarche globale multidimensionnelle et pluri-professionnelle et dynamique

Le groupe de travail évoque la « présomption d’incompétence » qui peut exister à l’égard d’une personne vulnérable (p. 48). Or, la situation de la personne doit être étudiée précisément afin de pallier les atteintes disproportionnées aux Droitsce que vous pouvez faire et libertés des personnes. F. GZIL évoque en ce sens qu’il est nécessaire d’apprécier si « la personne est ou non capable d’autonomie au sens d’autodétermination, c’est-à-dire capable de comprendre les informations données, de délibérer et d’agir sur la base de cette détermination » (p. 49).

Pour se faire, des outils et méthodes : des outils d’analyse des capacités d’autodétermination, une analyse des besoins de compensation ou de soutien en termes d’autonomie fonctionnelle en se reposant sur une évaluation plus globale des ressources externes, avec un caractère multidimensionnel et multi professionnel, le tout en prenant en compte les souhaits et préférences de la personne. Une analyse de la capacité d’autonomie « civile », est aussi envisagée. Pour évaluer cette capacité, l’auteure évoque la nécessité de faire connaître les outils développés par Paul Appelbaum.

Le rapport évoque, pour finir, les conduites à tenir en cas de situation de vulnérabilité, soit en cas de fragilisation des capacités de discernement, d’une déficience fonctionnelle ou d’un défaut d’autonomie civile.

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