Publication d’un rapport de l’igas sur la protection juridique des majeurs

L'IGAS publie un rapport sur le financement par les organismes de sécurité sociale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

Ce rapport souligne notamment le fait que le coût pour les finances publiques des mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel ou dans le cadre de services mandataires a augmenté fortement entre 2008 et 2013 (passant de 416 à 571 M€) et beaucoup plus que prévu au moment de la loi de 2007, en particulier pour les organismes de sécurité sociale (passant de 153 à 344 M€). La mission avait pour objectif d’analyser les caractéristiques et les déterminants de cette augmentation et de proposer des pistes pour réguler la dépense.

Il ressort de ses investigations que la hausse du coût des mandataires judiciaires pour la sécurité sociale est directement liée à la réforme de 2007, qui a eu deux effets principaux :

  • l’objectif d’amélioration globale de la qualité du dispositif s’est traduit par une meilleure prise en charge financière des mesures de protection confiées aux professionnels, conduisant à une augmentation de 22 % du coût total du dispositif entre 2008 et 2009.
  • en élargissant le financement des mesures de protection juridique, auparavant assuré exclusivement par l’Etat, à la sécurité sociale, la réforme s’est accompagnée d’un transfert de charge vers cette dernière.

Si le coût du dispositif semble désormais maîtrisé, il n’en reste pas moins que la structure du financement public a été profondément modifiée par la réforme de 2007, la part de la sécurité sociale étant passée de 36,8 % à 60,2 % de 2008 à 2013, celle de l’Etat de 58,0 % à 39,3 % et celle des départements de 5,2 % à 0,5 %. Or la sécurité sociale ne participe pas dans des conditions satisfaisantes à la régulation de cette dépense, dont la gestion se révèle extrêmement complexe au niveau local.

Dans ce contexte, afin que les caisses de sécurité sociale ne soient plus des financeurs « aveugles », la mission recommande une simplification significative des modalités de financement du dispositif de protection juridique des majeurs. De cette simplification dépend la qualité des contrôles mais aussi celle du dispositif global de protection : en effet, la gestion financière et comptable occupe une place importante par rapport aux autres aspects de mise en œuvre de cette politique.

Cette simplification devra reposer principalement sur deux leviers, de niveau législatif :

  • d’une part, une évolution de la clef de répartition entre financeurs : il est proposé de remplacer la règle actuelle, déduite de la mise en œuvre des mesures de protection au plan local, par une clef nationale actualisée de manière forfaitaire. Elle pourrait éventuellement être élargie à l’ensemble des organismes de protection sociale ;
  • d’autre part, une limitation du nombre de financeurs au plan local : la mission privilégie deux scénarii. Le premier consisterait à retenir au niveau local un payeur unique qui serait la CAF. Ce mode opératoire permettrait aux DDCS de se concentrer sur le pilotage de la politique de protection des majeurs vulnérables. Il n’est envisageable qu’à charge de travail identique pour les CAF, ce qui suppose de mettre en œuvre l’ensemble des simplifications proposées dans ce rapport. Le second scénario consisterait à confier le financement local à l’Etat (DDCS) et à la CAF.

Si l’évolution du nombre de mesures de protection juridique est demeurée relativement limitée depuis 2009 (en moyenne +2,8 % par an), elle devrait croître fortement dans les prochaines décennies sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs : l’augmentation du nombre des cas de troubles dégénératifs, elle-même liée à l’allongement de la durée de la vie, l’augmentation très forte de l’espérance de vie des personnes handicapées, mais aussi la précarisation d’une partie de la population et l’affaiblissement des solidarités familiales.

Il est urgent dans ce contexte de rétablir les bases d’une meilleure maîtrise du dispositif de protection juridique des majeurs. Celle-ci repose largement sur une application pleine et entière des principes de nécessité, subsidiarité et de proportionnalité, rappelée par la loi de 2007 et dont l’effectivité n’est pas aujourd’hui pleinement assurée (mise en oeuvre des MASP, confidentialité du Mandat de protection future, priorité familiale qui n'intervient que dans moins de la moitué des situations…)

Si l’optimisation de la participation des personnes protégées est recommandée par la mission, à travers une révision du barème qui devra permettre de rétablir l’équité entre les personnes protégées quel que soit le type de Mandatairepersonne qui va vous accompagner pendant la mesure de protection. On l’appelle aussi le curateur ou le tuteur., les principaux leviers identifiés pour maîtriser l’impact sur les finances publiques renvoient en réalité à une pleine application de la réforme de 2007. Il s’agit notamment de :

  • refonder le dispositif des mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) sur la base d’une évaluation partagée entre les départements et l’Etat ;
  • généraliser les protocoles de partenariat entre les conseils généraux et les tribunaux de grande instance pour la protection des majeurs vulnérables ;
  • développer les mesures alternatives à la protection juridique : le mandat de protection future qui devra être mieux sécurisé et promu ; le dispositif d’habilitation intrafamiliale proposé par le ministère de la Justice et en cours de discussion au Parlement ;
  • encourager la gestion par les familles des mesures de protection juridique en créant un service national d’information aux familles et de soutien aux tuteurs familiaux, décliné dans chaque région et animé par la DGCS ;
  • favoriser le développement des préposés d’établissement qui, outre leur coût limité pour les finances publiques, jouent un rôle essentiel pour certains publics protégés (personnes âgées dépendantes, personnes souffrant de troubles psychiatriques) en complémentarité des autres catégories de mandataires.

La politique de protection des majeurs vulnérables met en jeu de multiples acteurs mais apparaît encore trop rarement comme une politique partenariale. Les collaborations, essentielles pour garantir les objectifs de la loi de 2007 en matière de protection des personnes, mais aussi pour assurer la maîtrise globale du dispositif de protection, sont d’autant plus difficiles à mettre en œuvre que les moyens humains affectés à cette politique sont, aux dires des acteurs rencontrés, notoirement insuffisants, qu’il s’agisse des services en charge de la cohésion sociale ou, plus encore, des juridictions. C’est pourtant vers un meilleur pilotage qu’il convient de s’orienter tant au niveau national, qu’au niveau local en s’appuyant sur les schémas régionaux.

L’enjeu est de passer, dans l’esprit de la loi de 2007, d’une politique de protection juridique des majeurs à une politique globale de protection des majeurs vulnérables qui doit être prise en compte dans l’ensemble des politiques sociales.

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